Aller au contenu

Page:Taine - Notes sur Paris, 1893.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et notamment son pessimisme. A mon sens, il avait trop pâti dans sa jeunesse et il s’était trop replié sur lui-même dans son âge mûr ; de plus, il avait commis la faute de se faire amateur, j’entends de se détacher de tout pour se promener partout. On ne vit qu’en s’incorporant à quelque être plus grand que soi-même ; il faut appartenir à une famille, à une société, à une science, à un art ; quand on considère une de ces choses comme plus importante que soi, on participe à sa solidité et à sa force ; sinon, on vacille, on se lasse et on défaille ; qui goûte de tout se dégoûte de tout. M. Graindorge sentait son mal, mais il se trouvait trop vieux pour y porter remède. À ce sujet, je raconterai une anecdote qui montre sa façon de voir, et, en outre, sa lucidité d’esprit. Un jour, au bout d’une longue conversation philosophique, il me dit en manière de résumé : « Louis XI, à la fin de sa vie, avait une collection de jeunes porcs, qu’il faisait habiller en gentilshommes, en bourgeois, en chanoines ; on