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Page:Taine - Philosophie de l’art, t. 2, 1895.djvu/278

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DE L’IDÉAL DANS L’ART.

On l’accorde à Gœthe entre tous les écrivains de notre siècle. Parmi les Flamands, nul ne la dispute à Rubens ; parmi les Hollandais, à Rembrandt ; parmi les Allemands, à Albert Durer ; parmi les Vénitiens, à Titien. Trois artistes de la renaissance italienne, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël, montent, d’un consentement unanime, au-dessus de tous les autres. — En outre, ces jugements définitifs que la postérité prononce justifient leur autorité par la façon dont ils sont rendus. D’abord les contemporains de l’artiste se sont réunis pour le juger, et cette opinion, à laquelle tant d’esprits, de tempéraments et d’éducations différentes ont concouru, est considérable, parce que les insuffisances de chaque goût individuel ont été comblées par la diversité des autres goûts ; les préjugés, en se combattant, se balancent, et cette compensation mutuelle et continue amène peu à peu l’opinion finale plus près de la vérité. Cela fait, un autre siècle a commencé, muni d’un esprit nouveau, puis, après celui-ci, un autre ; chacun d’eux a revisé le procès pendant ; chacun d’eux l’a revisé à son point de vue ; ce sont là autant de rectifications profondes et de confirmations puissantes. Quand l’œuvre, après avoir ainsi passé de tribunaux en tribunaux, en sort qualifiée de la même manière, et que les juges, échelonnés sur toute la