Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/103

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s’agit, comme chez nous, de transformer un peuple féodal en un peuple moderne, mais différente en ce sens que la transformation se fait dans un vase clos, sans explosions ; il est vrai qu’un coup de baïonnette autrichienne mettrait le vase en morceaux.

Même activité et même exubérance dans la science et dans la religion que dans la politique. Il y a dix mille étudiants à l’université, soixante professeurs. Un étudiant se loge pour vingt francs par mois, il vit de macaroni, de fruits, de légumes : on mange peu dans ce pays, les choses nécessaires sont à bas prix. L’érudition et la direction sont allemandes ; on lit Hegel couramment ; M. Véra, son interprète le plus zélé et le plus accrédité, a une chaire. M. Spaventa essaye de découvrir une philosophie italienne, de montrer dans Gioberti une sorte de Hegel italien ; on voit que l’amour-propre et les préoccupations nationales pénètrent jusque dans la spéculation pure. Hier un journal louait un tableau italien moderne exposé au musée, se plaignant de ce que les Italiens n’admirent pas assez leurs artistes et commettent la faiblesse de trop estimer l’art étranger. Tout cela est naïf, mais sincère.

Les jeunes gens, le public s’intéressent extrêmement à ces recherches. Naples est la patrie de Vico, elle a toujours eu une aptitude philosophique. Dernièrement on se pressait à une exposition de la Phénoménologie de Hegel. Ils traduisent sans difficulté les mots spéciaux, les abstractions, Dieu sait quelles abstractions ! Du centre, le système se répand dans les diverses branches. Les études de droit surtout sont, dit-on, très-fortes, et tout à fait conduites à la manière allemande. Les étudiants sont encore enfermés dans les formules et les