Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/175

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donné le signal avec son clairon. Tel théâtre contenait vingt mille personnes. C’est parmi ces idées qu’on arrive aux Thermes de Caracalla, la plus grande chose après le Colisée qu’on puisse voir à Rome.

Au fond, tous ces colosses sont des signes du temps. La Rome impériale exploitait tout le bassin de la Méditerranée, l’Espagne, la Gaule et les deux tiers de l’Angleterre au profit de cent mille oisifs. On les amusait au Colisée avec des massacres de bêtes et d’hommes, au grand Cirque avec des luttes d’athlètes et des courses de chars, au théâtre de Marcellus avec des pantomimes, des décorations, des défilés d’armes et des costumes. Ici on les baignait, ils venaient causer, regarder des statues, écouter un déclamateur, passer au frais les heures chaudes. Tout ce qu’on avait inventé jusque-là de commode, d’agréable ou de beau, tout ce qu’on pouvait ramasser au monde de curieux ou de magnifique était pour eux ; les Césars les nourrissaient, les divertissaient, cherchaient à leur complaire, tâchaient d’obtenir leurs applaudissements. Un Romain de la classe moyenne pouvait à la rigueur considérer les empereurs comme des intendants (procuratores) tenus d’administrer son bien, de lui éviter l’embarras des affaires, de lui fournir à bon compte ou gratis son blé, son vin, son huile, de lui donner de somptueux repas, des fêtes bien entendues, de le fournir de tableaux, de statues, de mimes, de gladiateurs et de lions, de réveiller tous les matins son goût blasé par quelque nouveauté surprenante, même quelquefois de se faire histrions, cochers, chanteurs et gladiateurs pour son plaisir. Afin de loger ce peuple d’amateurs d’une façon digne de sa condition royale, l’architecture inventa des formes grandioses et nouvelles. Les