Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/205

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fant qui n’a pas encore pensé, posée sur un tronc herculéen, produit une émotion telle que l’esprit se reporte involontairement jusqu’à l’origine de la famille humaine, dans ces temps où la fille s’appelait la laitière, où des races athlétiques et naïves, avec l’épée courte et des dogues qui terrassaient les lions, descendaient de leurs montagnes pour coloniser l’univers. Même à travers la traduction des élèves, la figure peinte, ici comme dans toute la fresque, est encore unique ; il y a là un type nouveau, non pas copié sur le grec, mais sorti tout entier du cerveau du peintre et de l’observation du modèle nu, d’une énergie et d’une plénitude étranges, où le muscle est accusé non par imitation obligée de la nature, mais parce qu’il est vivant, et que par sympathie l’artiste jouit de sa tension. Psyché lancée à travers l’air et soutenue par des Amours, Vénus suppliant Jupiter, sont d’une fraîcheur et d’une jeunesse charmantes. Et que dire des deux bouquetières aux ailes de papillon, de l’aimable Grâce dansante qui dans le banquet arrive effleurant le sol ? Tout cela rit et cueille à pleines mains les plus riches fleurs de la vie. Dans l’espace, à côté des grandes déesses, volent des enfants, un Amour qui soumet au joug un lion et un cheval marin, un autre précipité comme un nageur dans une eau molle où il va s’ébattre, puis des colombes blanches, de petits oiseaux, des hippogriffes, un sphinx à corps de dragon, toutes les gaietés de l’imagination idéale. Parmi ces fantaisies serpente la guirlande touffue entremêlant les magnificences du printemps et de l’été, les grenades et les feuilles de chêne, les pâquerettes épanouies et l’or pâle des limons, les calices satinés du narcisse blanc avec les rondeurs opulentes des courges.