Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/207

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éducation double, qui, après lui avoir montré l’innocence et la pureté chrétiennes, lui a fait sentir la force et la joie païennes, il a fallu tous ces dons et toutes ces circonstances pour le porter au faîte. Vasari dit très-justement :« Si l’on veut voir clairement combien parfois le ciel peut se montrer libéral et large en accumulant sur une seule personne les infinies richesses de ses trésors, et toutes ces grâces et dons particulièrement rares qu’en un long espace de temps il disperse entre beaucoup d’individus, il faut contempler Raphaël Sanzio d’Urbin. »



Musées, 15 avril.


Il y a des jours où l’on entre dans une idée qui s’allonge droite comme une grande route, et d’autres jours, ceux que je viens de passer, où l’on erre à droite à gauche parmi des tournants. On se trouve près du Vatican, et on monte encore une fois tout en haut du Vatican, dans ce petit musée si précieux. Que de choses dans un tableau ! Le propre de la peinture et des autres arts du dessin, c’est de ramasser dans un seul effet simultané et concentré toutes les idées d’un artiste. Les autres arts, la musique et la poésie, dispersent l’impression.

On revoit le charmant Christ du Corrége demi-nu, souriant, assis sur la nue, parmi les anges, le plus aimable jeune homme gracieux et rosé qui fut jamais ; un Doge du Titien en simarre jaune, si réel, d’une personnalité si distincte et si frappante, et cependant si divinement peint, que le moindre pli de sa robe ouvragée