Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
VOYAGE EN ITALIE.

seurs d’aurochs, qui venaient heurter leur colère inutile contre les portes de l’empire romain. Ézéchiel se retourne avec une interrogation impétueuse, et son élan est si brusque que l’air froissé soulève sur son épaule un pan de son manteau. La vieille Persica, sous les longs plis de sa cape tombante, lit infatigablement un livre que de ses deux mains noueuses elle tient collé devant ses yeux perçants. Jonas s’abat renversé la tête en arrière sous l’apparition foudroyante, pendant que ses doigts comptent d’eux-mêmes involontairement les quarante jours qui restent à Ninive. La Libyca descend violemment, emportant l’énorme livre qu’elle a saisi. L’Érithræa est une Pallas plus guerrière et plus hautaine que sa sœur l’Athénienne antique. Autour d’eux, sur la courbure des voûtes, des adolescents nus tendent leur échine ou déploient leurs membres, tantôt fièrement étendus et reposés, tantôt élancés et luttant ; quelques-uns crient, et de leur cuisse roidie, de leur pied crispé, ébranlent furieusement le mur. Au-dessous, un vieux pèlerin courbé qui s’asseoit, une femme qui baise son petit enfant serré dans ses langes, un homme désespéré qui de son regard oblique défie amèrement le destin, une jeune fille au beau visage riant qui dort paisible, vingt autres, les plus grandes figures de la vie humaine, parlent par tous les détails de leur attitude et par le moindre pli de leur vêtement.

Ce ne sont encore là que les contours de la voûte ; sur la voûte elle-même, longue de deux cents pieds, se développent les histoires de la Genèse et les délivrances d’Israël, la création du monde, de l’homme et de la femme, le péché, l’exil du premier couple, le déluge, le serpent d’airain, le meurtre d’Holopherne, le sup-