Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

famille des Doria est une des plus riches ; il y a huit cents tableaux dans les appartements. On traverse d’abord une grande quantité de chambres qui en sont couvertes ; puis on entre dans la galerie, superbe promenoir carré autour d’une cour remplie de plantes verdoyantes, peint à fresque, orné de grandes glaces. Trois côtés sont remplis de tableaux, le quatrième de statues. Çà et là sont des portraits ou des bustes de famille : celui de l’amiral André Doria, le premier citoyen et le libérateur de Gênes, celui de donna Olimpia, qui gouverna l’Église sous Innocent X. Une telle galerie, un jour de réception, aux lumières, peuplée de costumes riches d’officiers, de cardinaux, d’ambassadeurs, doit offrir un spectacle unique. J’ai vu dans d’autres palais deux ou trois de ces grandes soirées ; les lauriers, les orangers, mêlés aux bustes et aux statues, parent les escaliers et les vestibules ; les chairs vivantes des peintures luisent magnifiquement dans leurs fonds noirâtres et leurs cadres d’or ; les longues galeries, les salons hauts de trente pieds, laissent les groupes se faire et se défaire avec aisance ; les flambeaux des torchères, les girandoles des lustres, étalent leurs clartés dans ce vaste espace sans éblouir les yeux par leur profusion ; les demi-ombres, les tons adoucis, ne disparaissent pas, comme dans nos petits salons, sous l’uniformité et la crudité d’une lumière blanche. Chaque groupe a sa teinte propre et vit de son air ; parmi les tentures de soie, entre les marbres mats des statues, sous les reflets sombres des bronzes, les personnages nagent dans une sorte de fluide dont les yeux sentent la mollesse et la profondeur.

Les paysages de Poussin et de Guaspre Poussin, son