Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Palais Barberini et Rospigliosi.


Il est agréable de suivre son idée ; je suis allé voir ses autres tableaux : il y en a un au palais Barberini qui représente Adam et Ève devant Dieu après leur péché. Le peintre s’y montre aussi consciencieux que maladroit ; Adam, avec l’air d’un domestique benêt, s’excuse et montre piteusement Ève, qui montre le serpent avec un soin non moins exagéré. « Ce n’est pas ma faute, c’est elle. » — « Ce n’est pas ma faute, c’est lui. » On voit que l’artiste poursuit l’expression morale, qu’il y insiste avec l’intention scrupuleuse d’une école de la décadence ; Raphaël ne descendait pas jusque-là. Un autre signe du temps, c’est la décence ecclésiastique : Ève et Adam ont des ceintures de feuilles. Mais le corps et la tête de la femme, les petits anges qui portent Jehovah sont parfaitement beaux, et toute la peinture est solide. Dominiquin était le fils d’un cordonnier, lent et laborieux, d’esprit doux et modeste, très-laid, malheureux en amour, pauvre, critiqué et opprimé, tout reployé en lui-même, se cherchant et ne se trouvant pas toujours, comme une plante qui, dans un mauvais air, sous des giboulées fréquentes, se développe incomplètement, et, parmi des bourgeons avortés, pousse çà et là de belles fleurs. Il y a dans le palais Rospigliosi une autre Ève de lui, cette fois cueillant la pomme. Ève est belle, et il n’y a aucune partie du tableau qui ne montre une étude attentive ; mais quelle idée baroque que cette ménagerie de tous les animaux entassés autour d’eux, ce perro-