au café sa tasse de trois sous, regarde le temps qu’il fait et se donne le plaisir d’étaler dans les rues le drap neuf de sa redingote. Un Romain, une Romaine mettent sur eux tout l’argent qu’ils gagnent ou qu’on leur donne. Ils se nourrissent peu et mal, mangent des pâtes, du fromage, des choux, du fenouil ; point de feu l’hiver ; leurs meubles sont misérables, tout est pour l’apparence. On voit dans les rues, au Pincio, quantité de femmes en superbes manteaux de velours, une foule de jolis jeunes gens irisés, en gants neufs : le dessus est pimpant, reluisant, frais ; mais n’allez pas jusqu’au linge.
À côté de la paresse fleurit l’ignorance, comme un chardon à côté d’une ortie. Un de nos amis a vécu quelque temps aux environs du lac Némi ; impossible l’après-midi d’avoir une lettre ; le médecin, le curé et l’apothicaire choisissaient cette heure-là pour leur promenade, et il n’y avait qu’eux dans le village qui sussent lire. Il en est à peu près de même à Rome. On me cite une famille de nobles qui vivent dans deux chambres et en louent cinq autres ; c’est là tout leur revenu. Des quatre filles, une seule est capable d’écrire une note ; on l’appelle la savante (la dotta). Le père et les fils vont au café, boivent un verre d’eau bien claire, lisent le journal ; voilà leur vie. Nul avenir pour un jeune homme ; il est tout heureux d’obtenir dans la daterie ou ailleurs une place de six écus par mois ; ni commerce, ni industrie, ni armée ; beaucoup se font moines, prêtres, vivent de leurs messes ; ils n’osent pas chercher fortune hors du pays ; la police ferme la porte au verrou sur ceux qui sortent.
Parlant les intérieurs sont des taudis. Les demoiselles en question restent en robes de chambre fripées, fago-