Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/396

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ce nous semble, à quelles conjectures on aboutit sur ce terrain.

La première de ces forces est l’ascendant des rites. Le propre du sauvage, de l’enfant, de l’esprit tout à fait inculte, imaginatif ou grossier, c’est le besoin de se faire un fétiche, j’entends d’adorer le signe au lieu de la chose signifiée ; il proportionne sa religion à son intelligence, et, ne pouvant comprendre les idées nues ou les sentiments incorporels, il sanctifie des objets palpables et des pratiques sensibles. Telle fut la religion au moyen âge ; elle subsiste encore presque intacte chez un pâtre de la Sabine, chez un paysan de la Bretagne. Un doigt de saint Yves, un froc de saint François, une statue de sainte Anne ou de la Madone dans ses habits neufs et brodés, voilà Dieu pour eux ; une neuvaine, un jeûne, un chapelet assidûment compté, une médaille soigneusement baisée, voilà pour eux la piété. À un degré supérieur, le saint local, la Vierge, les anges, la peur et l’espoir qu’ils excitent, composent la religion. Aux deux degrés, le prêtre est considéré comme un être supérieur, dépositaire de la volonté divine, dispensateur des grâces célestes. Tout cela dans les pays protestants a été détruit par la réforme de Luther, et dure atténué dans les pays catholiques, parmi les simples et les demi-simples, surtout chez les peuples qui ont l’imagination chaude et ne savent pas lire. Cette force va se réduisant à mesure que l’instruction et la culture d’esprit se propagent ; sur ce point, le catholicisme, pressé par la civilisation moderne, laisse s’écailler la croûte idolâtrique du moyen âge. En France, par exemple, depuis le dix-septième siècle, cette portion des croyances et des pratiques tombe en désuétude, du moins dans la classe un