Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/403

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élargi et épuré, peut devenir par excellence la religion philosophique, libérale et morale, et gagner, même dans les pays latins, cette classe supérieure qui, sous Voltaire et Rousseau, avait adopté le déisme. Si le combat se livre, il sera digne d’attention ; car entre une philosophie et une religion il ne pouvait aboutir, chacune des deux plantes ayant sa racine indépendante et indestructible ; entre deux religions, ce serait autre chose. Si le catholicisme résiste à cette attaque, il me semble qu’il sera désormais à l’abri de toutes les autres. Toujours la difficulté de gouverner les démocraties lui fournira des partisans ; toujours la sourde anxiété des cœurs tristes ou tendres lui amènera des recrues ; toujours l’antiquité de la possession lui conservera des fidèles. Ce sont là ses trois racines, et la science expérimentale ne les atteint pas, car elles sont composées non de science, mais de sentiments et de besoins. Elles peuvent être plus ou moins ramifiées, plus ou moins profondes, mais il ne semble pas que l’esprit moderne ait prise sur elles : au contraire, en beaucoup d’âmes et en certains pays, l’esprit moderne introduit des émotions et des institutions qui par contre-coup les consolident, et un jour Macaulay a pu dire, dans un accès d’imagination et d’éloquence, que le catholicisme subsistera encore, dans l’Amérique du Sud par exemple, lorsque des touristes partis de l’Australie viendront, sur les ruines de Paris ou de Londres, dessiner les arches démantelées de London-Bridge ou les murs écroulés du Panthéon.