Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/408

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est un peu sainte et néanmoins ménageant l’étoffe de leur culotte. Quant aux prélats, leurs figures sont bien fines, non pas de cette finesse parisienne qui consiste à dire de jolis mots, mais d’une finesse ecclésiastique et italienne, celle des diplomates et des procureurs, gens habitués à se contenir, à se précautionner, à ne pas donner prise, — Sur les marches dorment les paysans ; il ne faut pas trop s’approcher d’eux : l’odeur vous monte au nez, ils ne se sont jamais lavés et sentent la bête fauve. — Tout alentour, aux balcons, sur le pas des portes, on distingue quantité de grisettes romaines aux cheveux noirs savamment ondes et retroussés, aux lèvres fines, aux traits réguliers et franchement coupés, au menton fort, au regard fixe. Quelquefois d’une sale et sordide fenêtre sort une de ces belles et redoutables têtes ; on l’a remarquée le matin, et on la retrouve le soir : elle passe ainsi la journée à regarder et à être vue.

Pour un esprit religieux, le spectacle intérieur dans Saint-Pierre n’est pas édifiant. Les soldats du pape qui font la haie bâillent, se tournent, lorgnent les femmes qui passent. Pendant toute la messe, les assistants circulent, causent à voix basse ou même à demi-voix ; comme il n’y a ni bancs ni chaises, ils essayent de s’asseoir contre les piliers, s’affermissent tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre ; quelques-uns sommeillent. On entend partout un long bruissement, il se fait un va-et-vient comme dans une halle. On se perche sur la pointe des pieds, et on regarde passer les suisses du pape, qui ont la fraise, le costume bariolé et les pertuisanes du seizième siècle, puis les appariteurs en pourpoint de velours noir, avec le petit manteau espagnol, la chaîne