nommait le sépulcre et la mort, chaque partie chantant des paroles différentes et parfois des chansons mondaines. Le compositeur prenait un air gai ou graveleux, l’Homme armé ou l’Ami Baudichon, madame, et là-dessus, avec force recherches et bizarreries de contre-point, il brodait une messe. Pédantisme et licence, le régime mécanique du moyen âge avait abaissé et brouillé l’esprit en musique comme en littérature, et produisait au quinzième siècle des poètes aussi plats et aussi affectés que les musiciens[1]. Le sentiment religieux reparut, protestant avec Luther, catholique avec le concile de Trente. Aux protestants, Goudimel, un martyr de la Saint-Barthélémy, donna la musique des psaumes héroïques qu’ils chantaient sur les bûchers et dans les batailles. Aux catholiques, Palestrina, invité par le pape, donna les vagues et vastes harmonies de ses désolations mystiques et les supplications d’un peuple entier, enfantin et triste, agenouillé sous la main de Dieu.
Ces Miserere sont en dehors et peut-être au delà de toute musique que j’aie jamais écoutée : on n’imagine pas avant de les connaître tant de douceur et de mélancolie, d’étrangeté et de sublimité. Trois points sont saillants. — Les dissonances sont prodiguées, quelquefois jusqu’à produire ce que notre oreille, habituée aux sensations agréables, appelle aujourd’hui de fausses notes. — Les parties sont extraordinairement multipliées, en sorte que le même accord peut renfermer trois ou quatre consonnances et deux ou trois dissonances, se démembrer et se recomposer par portions et incessam-
- ↑ Voyez Lydgate, Occlève, Hawes en Angleterre, Brandt en Allemagne, Charles d’Orléans, les poésies de Froissart en France.