Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/418

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ressants. — Nous finirons par ne plus sentir le corps et la forme, mais seulement l’âme et l’expression.



Dimanche de Pâques.


Le temps s’est gâté, la pluie tombe par rafales ; mais la foule couvre tout, la place, les escaliers, les portiques, et s’engouffre avec un bourdonnement prolongé dans l’immensité de la basilique.

Dans cet océan humain, de lentes ondulations se développent et se brisent ; devant la statue de saint Pierre, le flot avance et recule sous le reflux des vagues précédentes. Les froissements et les tassements serrent et desserrent à chaque instant le désordre mouvant des mêlées ; une tumultueuse et bruissante confusion de pas, de frôlements, de paroles roule entre les grandes murailles, et dans les hauteurs, au-dessus de cette agitation et de ce murmure, on aperçoit les pacifiques rondeurs des voûtes, le vide lumineux des dômes, et les étages de bordures, d’ornements, de statues qui vont se superposant pour combler l’abîme tournoyant de la coupole.

Dans cette mer de corps et de têtes, une double digue de soldats, de chantres, d’enfants de chœur, forme un lit où coule pompeusement le cortège solennel : d’abord les gardes nobles, rouges et blancs, le casque en tête ; puis des camériers rouges, plus loin des prélats violets, puis les maîtres de cérémonies en pourpoint et manteau noir, ensuite les cardinaux, enfin le souverain pontife, porté par des acolytes dans un fauteuil de velours rouge broché d’or, lui-même en long habit blanc brodé d’or