Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/48

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veloutés, tremblent sous la brise tiède qui arrive entre les troncs des chênes. L’air et la mer sont bienfaisants ; quel contraste, si l’on se rappelle les côtes de l’Océan, nos falaises de Normandie et de Gascogne, battues par les vents, flagellées par la pluie, où les arbres rabougris se cachent dans les creux, où les ajoncs, le gazon rasé, se collent misérablement contre les pentes ! Ici le voisinage des flots nourrit les plantes ; on sent la fraîcheur et la douceur du souffle qui vient les caresser et les ouvrir. On s’oublie, on écoute le petit bruit des feuilles qui chuchotent, on regarde leurs ombres qui remuent sur le sable. Cependant, à six pas, la mer roule avec un bourdonnement profond à mesure que ses nappes écumeuses viennent s’amincir et s’arrondir sur le sable. La brume s’évapore sous le soleil ; entre les feuillages on aperçoit le Vésuve et ses voisins, toute la chaîne des monts qui se dégagent. Ils sont d’un violet pâle, et, à mesure que le jour baisse, ce violet devient plus tendre. À la fin, la plus fine teinte de mauve, une corolle de fleur est moins charmante ; le ciel s’est épuré, et la mer calmée n’est plus qu’azur.

Impossible de rendre ce spectacle. Lord Byron a bien raison : on ne peut pas mettre de niveau les beautés des arts et celles de la nature. Un tableau reste toujours au-dessous et un paysage toujours au-dessus de l’idée qu’on s’en peut faire. Cela est beau, je ne sais pas dire autre chose, cela est grand et cela est doux ; cela fait plaisir à tout l’homme, cœur et sens ; il n’y a rien de plus voluptueux et il n’y a rien de plus noble. Comment se donner l’embarras de travailler et de produire quand on a cela devant les yeux ? Ce n’est pas la peine d’avoir une maison bien ordonnée, de construire labo-