Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/98

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vous plaira, je vous payerai à tant l’heure. » — Ils font une émeute. Les bersaglieri sont accueillis à coups de pierres et ripostent à coups de fusil ; depuis, tout est dans l’ordre, et la manufacture commence à marcher, mais les sinécuristes affamés sont furieux. Un d’eux disait : « Voyez ce misérable gouvernement piémontais ; j’avais une place de douze cents francs qui me laissait libre toute la journée, et j’allais à mon autre place chez le banquier ; maintenant ces pingres-là me suppriment mes douze cents francs, et je me suis marié, j’ai deux enfants ! »

De même en 91, tous les officiers de la maison du Roi, de la Reine, du Dauphin, des princes, les menins, les capitaines de levrettes, etc.

Le roi Ferdinand mettait la main dans les fournitures, comme Louis XV dans les affaires de blé. Son armée effective était de quatre-vingt-quinze mille hommes, on en mettait cent mille sur le budget : il touchait l’excédant. En outre, il gardait pour lui, pour ses favoris, pour ses secrétaires, le droit de désigner les employés ; il y en avait ainsi de deux sortes, l’employé gras qui venait une fois par mois au bureau pour recevoir les piastres, l’employé maigre qui faisait la besogne et touchait le quart du traitement.

Tous ces gens-là sont fort irrités, ce qui n’a rien d’étrange ; les prêtres non plus ne sont pas contents, et n’ont pas sujet de l’être. Ils ont perdu de leur crédit, il ne tiennent plus le haut du pavé. Il y a trois ans, il y avait tant de moines et d’ecclésiastiques à Naples, qu’en se mettant à la fenêtre une dame de la maison où je suis, dans une rue fréquentée, en comptait cent par heure ; presque dans chaque famille on avait un fils ecclésiasti-