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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/43

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comme un encadrement, règne une toiture de tuiles rougeâtres. Le ciel bleu, pareil à un dôme rond, se pose sur ce carré blanc ; on ne peut imaginer l’effet de ces formes si simples et de ces couleurs si simples. Tout autour du couvent tourne un second promenoir sous des arcades ogivales de rudes pierres roussies par le soleil ; de là le regard embrasse la belle vallée et son diadème de montagnes neigeuses. Les pauvres moines des Fioretti, à force de réduire leur vie, l’ennoblissaient ; deux ou trois sensations faisaient toute leur vie, mais elles étaient sublimes. Quiconque parmi eux sortait du troupeau des brutes était forcé d’être un grand poète ; quand on ne devenait pas une machine à génuflexions, on finissait par sentir la sérénité et la grandeur d’un pareil paysage. « Frère Bernardo vivait en contemplation dans les hauteurs comme l’hirondelle : à cause de cela, frère Egidio disait qu’il était le seul à qui lût donné le don de se nourrir en volant comme l’hirondelle… Et frère Currado ayant fait son oraison, voici qu’apparut la reine du ciel avec son enfantelet béni dans ses bras, avec une très-grande splendeur de lumière, et s’approchant de frère Currado, elle lui mit dans les bras son enfantelet béni, lequel Currado, l’ayant reçu et le baisant très-dévotement et l’embrassant et le pressant contre sa poitrine, se fondait et se dissolvait tout entier dans l’amour divin, avec une consolation inexprimable. »

Il y a en bas dans la plaine une grande église, qui contient la maison du saint ; mais elle est moderne, avec une coupole païenne et pompeuse. Les fresques d’Overbeck sont des pastiches ; pour rester gothique, il se fait maladroit et donne aux anges un cou tors, à Dieu l’air piteux d’un homme à qui son dîner ne réussit pas. On