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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/50

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eux en 1859. Encore deux ans, les paysans eux-mêmes se lèveront en masse, et nous les chasserons de Venise. » (Les sept mille volontaires sont devenus soixante-dix mille ; mais le peuple est poëte : plus il se gonfle, plus il s’élève.)

Même roideur anti-ecclésiastique que dans notre révolution. Selon mes deux compagnons, « les prêtres sont des coquins (birbanti) ; le gouvernement a raison de confisquer les biens des moines ; il devrait chasser tous ces gueux qui, ouvertement, font de la propagande contre lui. Avant 1859, ils étaient tout-puissants, entraient dans les affaires domestiques ; ils étaient jugés par un tribunal spécial et n’étaient jamais punis. À présent, ils baissent la tête ; il y en a deux qui dernièrement ont été condamnés pour délits, et tout le monde a applaudi. Ils ne faisaient que du mal. Les mendiants, enfants et adultes, qui nous assiégeaient à Assise, sont de leur provenance, au physique comme au moral. Ils corrompaient les femmes, entretenaient l’oisiveté par leurs aumônes, maintenaient l’ignorance ; mais aujourd’hui on répand l’instruction partout, chaque commune a son école : il y en a treize dans Assise, qui n’a que trois mille âmes. » — Un mendiant s’accrochait à notre voilure. « Va-t’en, coquin, demander aux moines ; tu as ton père parmi eux. » L’autre, avec son sourire italien, obséquieux et fin, répondait : « Signor, non ; je ne suis pas du pays, donnez-moi quelque petite chose. »

Quantité de menus faits manifestent ce ressentiment contre le clergé. Dernièrement, à Foligno, dans une mascarade, ils ont représenté dans les rues le pape et les cardinaux ; c’étaient des sifflets, des rires, un enthousiasme bruyant et universel. — À Pérouse, à côté