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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/74

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et le mauvais gouvernement[1] ; son tableau est un défilé de grands personnages au-dessous d’une femme couchée, déjà belle, drapée dans une robe blanche, avec une branche de laurier sur ses cheveux blonds, tout cela d’après cet Aristote si maudit par Pétrarque, si cher aux libres penseurs qui se multipliaient : il semble que la peinture suive le courant philosophique. — J’en passe quantité d’autres où le goût de la vie réelle, de l’histoire locale, de la science antique, toutes les approches de la renaissance, sont visibles ; mais ils ont beau faire, ils n’y arrivent point, ils restent à la porte. Une sainte Barbe par Matteo de Sienne en 1478, à l’église Saint-Dominique, suave et pure, mais sans relief et entourée d’or, n’est encore qu’une figure hiératique. Et Léonard de Vinci a déjà vingt-six ans ! Comment comprendre un si long arrêt ? D’où vient que depuis Giotto, parmi tant de tâtonnements, les peintres ne parviennent pas à mettre sur leur toile un corps solide et une chair vivante ? Qui a pu les retenir à mi-chemin, malgré tant d’efforts, après un premier élan si universel et si heureux ? La question devient irrésistible lorsqu’on regarde dans ce même palais, à l’Institut des Beaux-Arts, à San-Domenico, les fresques d’un peintre complet, Sodoma, un contemporain de Raphaël, le principal maître du pays. Son Christ flagellé est un superbe torse nu, vivant et souffrant de gladiateur antique ; sa sainte Catherine en extase, sa Sainte entre deux saints sous un portique clair, toute sa peinture rejette à l’instant l’autre dans la région indéterminée des êtres inachevés, insuffisants, non viables. Encore une fois, pourquoi les

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