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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/123

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LA MARQUISE DE RAMBOUILLET

Madame de Rambouillet est fille de feu M. le marquis de Pisani, et d’une Savelli, veuve d’un Ursins. Sa mère étoit une habile femme : elle eut soin de l’entretenir dans la langue italienne, afin qu’elle sût également cette langue et la françoise. On fit toujours cas de cette dame-là à la cour, et Henri IV l’envoya, avec madame de Guise, surintendante de la maison de la Reine,recevoir la Reine-mère à Marseille. Elle maria sa fille devant douze ans avec M. Le vidame du Mans. Madame de Rambouillet dit qu’elle regarda d’abord son mari, qui avoit alors une fois autant d’âge qu’elle, comme un homme fait, et qu’elle se regarda comme un enfant, et que cela lui est toujours demeuré dans l’esprit, et l’a portée à le respecter davantage. Hors les procès, jamais il n’y a eu un homme plus complaisant pour sa femme. Elle m’a avoué qu’il a toujours été amoureux d’elle, et ne croyoit pas qu’on pût avoir plus d’esprit qu’elle en avoit. À la vérité, il n’avoit pas grand’peine à lui être complaisant, car elle n’a jamais rien voulu que de raisonnable. Cependant elle jure que si on l’eût laissée jusqu’à vingt ans, et qu’on ne l’eût point obligé après à se marier, elle fût demeurée fille. Je la croirois bien capable de cette résolution, quand je considère que dès vingt ans elle ne voulut plus aller aux assemblées du Louvre ; chose assez étrange pour une belle et jeune personne et qui est de qualité. Elle disoit qu’elle n’y trouvoit rien de plaisant, que de voir comme on se pressoit pour y entrer, et que quelquefois il lui est arrivé de se mettre en une chambre pour se divertir du méchant ordre qu’il y a pour ces choses-là en France. Ce n’est pas qu’elle n’aimât le divertissement, mais c’étoit en particulier. À l’entrée qu’on devoit faire à la Reine- mère, quand