faisoit le professeur en amitié, lui dit un jour qu’il la vouloit instruire amplement en cette belle science ; il lui faisoit des leçons prolixes ; elle, pour trancher tout d’un coup, lui dit : « Bien loin de ne pas faire toutes choses au monde pour mes amis, si je savois qu’il y eût un fort honnête homme aux Indes, sans le connoître autrement, je tâcherois de faire pour lui tout ce qui seroit à son avantage. « — Quoi ! s’écria d’Andilly, vous en savez jusque-là ! Je n’ai plus rien à vous montrer. »
Madame de Rambouillet est encore présentement d’humeur à se divertir de tout. Un de ses plus grands plaisirs étoit de surprendre les gens. Une fois elle fit une galanterie à M. de Lisieux à laquelle il ne s’attendoit pas. Il l’alla voir à Rambouillet. Il y a au pied du château une fort grande prairie, au milieu de laquelle, par une bizarrerie de la nature, se trouve comme un cercle de grosses roches, entre lesquelles s’élèvent de grands arbres qui font un ombrage très agréable. C’est le lieu où Rabelais se divertissoit, à ce qu’on dit dans le pays ; car le cardinal du Bellay, à qui il étoit, et messieurs de Rambouillet, comme des proches parents, alloient fort souvent passer le temps à cette maison ; et encore aujourd’hui on appelle une certaine roche creuse et enfumée la Marmite de Rabelais. La marquise proposa donc à M. de Lisieux d’aller se promener dans la prairie. Quand il fut assez près de ces roches pour entrevoir à travers les fouilles des arbres, il aperçut en divers endroits je ne sais quoi de brillant. Etant plus proche, il lui sembla qu’il discernoit des femmes, et qu’elles étoient vêtues en nymphes. La marquise, au commencement, ne faisoit pas semblant de rien voir de ce qu’il voyoit. Enfin, étant parvenus jusqu’aux roches, ils trouvèrent mademoiselle de Rambouillet et toutes les demoiselles de la maison, vêtues effectivement en nymphes, qui, assises sur ces roches, faisoient le plus agréable spectacle du monde. Le bonhomme en fut si charmé que, depuis, il ne voyoit jamais