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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/175

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Mesdames de Rohan

Madame de Rohan, mère du premier duc de Rohan qui a tant fait parler de lui, étoit de la maison de Lusignan, d’une branche qui portoit le nom de Parthenay. C’étoit une femme de vertu, mais un peu visionnaire. Toutes les fois que M. de Nevers, M. de Brèves et elle se trouvoient ensemble, ils conquêtoient tout l’empire du Turc (1).

[(1) Ce M. de Brèves, à ce qu’on dit, appela le Pape, le grand Turc des Chrétiens. Il cria : Allah ! en mourant, et sans Gédoin, le Turc, qui croyoit en Notre Seigneur comme lui, il ne se fût jamais confessé ; mais Gédoin lui dit qu’il le falloit faire par politique. (T.)]

Elle ne vouloit point que son fils fût duc, et disoit le cri d’armes de Rohan :

Roi, je ne puis,

Duc, je ne daigne,

Rohan je suis.


Elle avoit de l’esprit et a écrit une pièce contre Henri IV, de qui elle n’étoit pas satisfaite, je ne sais pourquoi, où elle le déchire en termes équivoques, Comme ce prince n’a rien d’humain, etc. . Elle a été de plusieurs cabales contre lui.

Elle avoit une fantaisie la plus plaisante du monde : il falloit que le dîner fût toujours prêt sur table à midi ; puis, quand on le lui avoit dit, elle commençoit à écrire, si elle avoit à écrire, ou à parler d’affaires ; bref, à faire quelque chose jusqu’à trois heures sonnées : alors, on réchauffoit tout ce qu’on avoit servi, et on dînoit. Ses gens, faits à cela, alloient en ville après qu’on avoit servi sur table. C’étoit une grande rêveuse. Un jour elle alla pour voir M. Deslandes, doyen du parlement ; madame des Loges étoit avec elle, et en attendant qu’il revînt du palais, elle se mit à travailler, et à