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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/190

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FONTENAY COUP-D’ÉPÉE
LE CHEVALIER DE MIRAUMONT

Fontenay fut surnommé Coup-D’Epée, à cause de sa bravoure. J’ai appris que ce fut à cause d’un furieux coup d’épée dont il abattit une épaule à un sergent qui le vouloit mener en prison : il étoit sur un cheval de poste et revenoit de l’armée ; il avoit de l’or sur son habit, et l’or avoit été défendu depuis quelques jours. On dit qu’une fois un autre gladiateur et lui s’étant rencontrés tête pour tête au tournant du pont Notre-Dame chacun voulut avoir le haut du pavé. Notre homme dit à l’autre d’un ton de Rodomont, pensant l’intimider : Je m’appelle « Fontenay-Coup-d’Epée. — Et moi, répondit l’autre, La Chapelle-Coup-de-Canon_. » Ils mirent l’épée à la main, mais on les sépara.

Fontenay étoit de fort amoureuse manière : il a cajolé une infinité de personnes ; et quoique ce fût une fille à qui il en contoit, il ne l’appeloit jamais autrement que belle Dame. La principale belle dame qu’il cajola ce fut madame de Bragelonne, du Marais ; il fit mille folies pour elle, et enfin n’en étant pas satisfait, sur quelque jalousie qu’il lui prit, un beau jour, comme elle entendoit la messe dans les Petits- Capucins, il s’alla mettre à genoux auprès d’elle, et lui dit, prenant Dieu à témoin, s’il n’étoit pas vrai qu’elle étoit la plus ingrate du monde de lui faire des infidélités comme elle lui en faisoit, et en pleurant il lui rendit des bracelets et autres bagatelles qu’elle lui avoit donnés. « Mais il faut lui dit-il, que vous me rendiez mon cœur ; je vous donné deux jours pour cela et n’y manquez pas. »

Une fois il aimoit une femme dont il jouissoit ; cette femme, soit qu’elle fût lasse de lui, car il étoit fort quinteux,