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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/264

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Pin, trésorier des menus plaisirs, qui elle étoit : « C’est madame d’Argencourt, de Bretagne, qui vient plaider ici. » Il goguenardoit sur ce mot d’Argencourt ; l’autre le crut et dit à Ninon : « Madame, vous avez donc un procès ? Je vous y servirai ; j’aurois la plus grande joie du monde de solliciter pour une si aimable personne. » Ninon se mordoit les lèvres, de peur de rire. Bois-Robert en ce temps-là la salua. « D’où connoissez-vous cet homme ? » dit madame Paget. — Madame, je suis sa voisine ; je loge au faubourg — Ah ! je ne lui pardonnerai jamais de nous avoir quittés pour une Ninon, pour une vilaine. — Ah ! madame, dit Ninon un peu déferrée, il ne faut pas croire tout ce qu’on dit, c’est peut-être une honnête fille. On en peut peut-être autant dire de vous et de moi ; la médisance n’épargne personne. » Au sortir, Bois- Robert aborde madame Paget (1) et lui dit : « Vous avez bien causé avec Ninon. »

[(1) Cette madame Paget est galante. (T.)]

Voilà la dame en colère contre du Pin et contre Ninon aussi : cependant elle l’avoit trouvée si agréable que du Pin hasarda de mener Ninon dans le jardin de Thévenin, l’oculiste, à la porte de Richelieu, où le voisinage alloit se promener. Madame Paget, qui est femme du neveu de madame Thévenin, s’y trouva, et elle causa encore avec Ninon.

Un jour qu’on faisoit la guerre à Bois-Robert, en présence de Ninon, qu’il aimoit les beaux garçons : « Ah ! vraiment, dit- il, il n’y a pas d’apparence de dire cela en présence de mademoiselle. — Moquez-vous de cela, dit-elle, je ne suis pas si femme que vous penseriez bien. »

Villarceaux est le dernier galant qu’elle ait eu. Pour le voir plus facilement et n’être point à Paris (c’étoit en 1652), elle alla dans le Vexin chez un gentilhomme de qualité, nommé Varicarville, qui est riche et fait bonne chère aux gens ; mais c’est un original, et surtout en mangeaille,