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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/282

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on se chauffoit à l’entour. Scarron, logé en même logis, offrit de donner quelque chose pour faire cette petite d’Aubigny religieuse : enfin il s’avisa de l’épouser. Un jour donc il lui dit : « Mademoiselle, je ne veux plus vous rien donner pour vous cloîtrer. » Elle fit un grand cri. « Attendez, c’est que je vous veux épouser : mes gens me font enrager, etc. » Elle n’avoit rien ; ses cousins d’Aubigny se mirent en pension chez elle.

Depuis, le procureur général Fouquet, qui est aussi surintendant, et qui aime les vers burlesques, a donné une pension à Scarron. Quelquefois il lui échappe de plaisantes choses ; mais ce n’est souvent. Il veut toujours être plaisant, et c’est le moyen de ne l’être guère. Il fait des comédies, des nouvelles, des gazettes burlesques, enfin tout ce dont il croit tirer de l’argent. Dans une gazette burlesque, il s’avisa de mettre qu’un homme sans nom étoit arrivé le samedi, s’étoit habillé à la friperie, et le vendredi s’étoit marié, qu’il pouvoit dire : Veni, vidi, vici ; mais qu’on ne savoit si la victoire avoit été sanglante. Or, en ce même jour, La Fayette, toutes choses étant conclues, dès Limoges, par son oncle qui en est évêque, étoit venu ici et avoit épousé mademoiselle de La Vergne. Le lendemain, quelqu’un, pour rire, dit que c’étoit La Fayette et sa maîtresse. Dans la gazette suivante, Scarron s’excusa, et en écrivit une grande lettre à Ménage, qui, étourdiment, l’alla dire à mademoiselle de La Vergne, et il se trouva qu’elle n’en avoit pas ouï parler.

Il y a de plaisants endroits dans ses œuvres, comme :

Ce n’est que maroquin perdu

Que les livres que l’on dédie, etc.


Dans une épître dédicatoire au coadjuteur, il lui disoit : « Tenez-vous bien, je m’en vais vous tuer. » Il y a un proverbe qui dit : « Tenez-vous bien, je m’en vais vous peindre. »