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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/327

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monsieur le vicomte, vous me ferez l’honneur de prendre la moitié de mon lit. » Le vicomte se sauva. Toute la province se moqua fort de ce monsieur le vicomte.

Le maréchal de Gramont avoit un fripon d’écuyer, nommé du Tertre, qui un jour le vint prier de le protéger dans un enlèvement qu’il vouloit faire. « Hé bien ! la fille t’aime-t- elle fort ? Est- ce de son consentement  ? — Nenny, Monsieur, je ne la connois pas autrement, mais elle a du bien. — Ah ! si cela est, reprend le maréchal, je te conseille d’enlever mademoiselle de Longueville, elle a encore davantage. » ; et sur l’heure il le chassa.

Madame Compain étoit plaisante. Une fois, à Paris, je ne sais quel godelureau lui donna une sérénade. Le lendemain elle lui dit : « Monsieur, en vous remerciant ; vos violons ont réveillé mon mari, et il m’a croquée. »

Le comte de Vertus étoit un fort bon homme, qui ne manquoit point d’esprit. Son foible étoit sa femme ; il l’aimoit passionnément, et ne croyoit pas qu’on pût la voir sans en devenir amoureux. Un gentilhomme d’Anjou, appelé Saint-Germain La Troche, homme d’esprit et de cœur, et bien fait de sa personne, fut aimé de la comtesse. Le mari, qui avoit des espions auprès d’elle, fut averti aussitôt de l’affaire. Il estimoit Saint-Germain, et faisoit profession d’amitié avec lui ; il trouva à propos de lui parler, lui dit qu’il l’excusoit d’être amoureux d’une belle femme, mais qu’il lui feroit plaisir de venir moins souvent chez lui. Saint-Germain s’en trouva quitte à bon marché. Il y venoit moins en apparence, mais il faisoit bien des visites en cachette : c’étoit à Chantocé, en Anjou. Le comte savoit tout ; il n’en témoigna pourtant rien jusqu’à ce que, durant un voyage de dix ou douze jours, le galant eût la hardiesse de coucher dans le château. Les gens dont la