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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/37

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M. de Lesdiguières. Or, ce Roux étoit grand ami d’un cordelier, appelé de Nobilibus, qui fut brûlé à Grenoble pour avoir dit la messe sans avoir reçu les ordres. On le soupçonnoit aussi de magie, et le peuple croit encore aujourd’hui que ce cordelier avoit donne à madame la connétable des charmes pour se rendre maîtresse de l’esprit de M. de Lesdiguières. Il est bien certain qu’elle eut d’abord un fort grand pouvoir sur lui. Cette amour ne dura pas longtemps, que la femme ne quittât la maison de son mari ; elle ne logeoit pourtant pas avec son galant, mais en un logis séparé, où il lui donna grand équipage, et bientôt après il la fit marquise Il en eut deux filles durant cette séparation d’avec son mari. On dit que les parents de M. de Lesdiguières gagnèrent son médecin, qui lui conseilla, pour sa santé, de changer de maîtresse, et qu’en même temps, pour essayer de la lui faire oublier, on lui présenta une fort belle personne, nommée Pachon, femme d’un de ses gardes. Mais la marquise, car on l’appelait ainsi alors, fit donner des coups de bâton à cette femme, dans la maison même de M. de Lesdiguières, et incontinent après s’alla jeter à ses pieds. Elle n’eut pas grande peine à faire sa paix, et fut plus aimée qu’auparavant.

M. de Lesdiguières étoit obligé de faire plusieurs voyages ; elle le suivit partout, et même à la guerre ; on dit pourtant qu’il il voulut faire en sorte que le drapier la reprît, et qu’il lui fit offrir pour cela de le faire intendant de sa maison. Mais ce marchand, qui étoit homme d’honneur, n’y voulut jamais entendre.

Elle étoit demeurée à Grenoble, tandis que M. de Lesdiguières étoit au siège de quelque place dans le Languedoc. En ce temps-là, un certain colonel Alard, Piémontais, vint faire des recrues en Dauphiné. Elle en fut cajolée, mais non pas aussi ouvertement qu’elle l’avoit été auparavant par M. de Nemours, qui lui fit mille galanteries, durant un voyage que M. de Lesdiguières avoit été obligé de faire en