même temps. Le parlement fit du bruit, et voulut s’en venger sur la maîtresse de M. de Lesdiguières, ne pouvant s’en venger sur lui-même. Mais comme le connétable étoit adroit, il sut si bien négocier avec chaque conseiller en particulier qu’il ne se parla plus de cette affaire.
Depuis ce temps-là, il fut encore cinq ou six ans sans épouser la marquise, et à la fin il s’y résolut, pour légitimer les deux filles qu’il en avoit eues. Elles étoient adultérines pourtant. (1)
[(1) En partant pour s’aller marier, il dit à sa maîtresse : « Allons donc faire cette sottise, puisque vous le voulez. » (T.)]
Voici ce que Bezançon a rapporté de sa mort. Il travailloit avec lui, le propre jour qu’il mourut, à des départs de gens de guerre. « Il faudroit, lui dit Bezançon, que M. de Créqui fût ici. — Voire, répondit le connétable, nous aurions beau l’attendre, s’il a trouvé un chambrillon en son chemin, il ne viendra d’aujourd’hui. » Il travailla de fort bon sens, après il fit venir son curé. « Monsieur le curé, lui dit-il, faites- moi faire tout ce qu’il faut. Quand tout fut fait : « Est-ce là tout, dit-il, monsieur le curé ? — Oui, monsieur. — Adieu, monsieur le curé, en vous remerciant. » Le médecin lui dit : « Monsieur, j’en ai vu de plus malades échapper. — Cela peut être, répondit-il, mais ils n’avoient pas quatre- vingt- cinq ans comme moi. » Il vint des moines à qui il avoit donné quatre mille écus, qui eussent bien voulu en avoir encore autant. Ils lui promettoient paradis en récompense. « Voyez-vous, » leur dit-il, « mes pères ? si je ne suis sauvé pour quatremille écus, je ne le serai pas pour huit mille. Adieu. » Il mourut sur cela le plus tranquillement du monde.