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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/43

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préparer une bonne médecine fort laxative. Il l’avale, et elle l’enferme dans un cabinet, après lui avoir juré de venir avant que le poison opérât. Elle le laissa là deux bonnes heures, et la médecine opéra si bien que, quand on vint lui ouvrir, personne ne pouvoit durer autour de lui. Je crois que ce jeune homme a été depuis ambassadeur en Turquie.


MADAME DE VILLARS

C’étoit une des sœurs de madame de Beaufort. Elle avoit épousé le neveu de M. l’amiral de Villars. Ils s’appeloient Brancaccio en leur nom, et viennent du royaume de Naples. Son oncle qui ne s’étoit point marié, lui avoit laissé beaucoup de bien ; il n’y a jamais eu un si pauvre homme. Lui et.sa femme ont mangé huit cent mille écus d’argent comptant, et soixante mille livres de rente en fonds de terre, dont il n’en est resté que dix-sept, qui étoient substituées. Il avoit eu une terre de vingt-cinq mille livres de rente, de l’argent qu’il avoit reçu du cardinal de Richelieu pour le Havre-de-Grâce, la lieutenance du roi de Normandie, et le vieux palais de Rouen Par le marché il eut un brevet de duc, mais il ne fut reçu qu’au parlement de Provence, où il trouva plus de crédit qu’ailleurs, à cause qu’il étoit de ce pays-là.

Avant cela, le mari et la femme demeuroient d’ordinaire au Havre. Elle y fit (il est vrai que cela n’étoit pas son eapprentissage) le coup le plus effronté qu’aucune femme ait guère fait en amour. Un capucin, nommé le père Henri de La Grange-Palaiseau, de la maison d’Harville, qui peut-être s’étoit fait religieux pour ne pouvoir vivre selon sa condition, faute de biens, fut envoyé par le Provincial au couvent qu’ils ont au Havre. C’étoit un des plus beaux hommes de