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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/72

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sa beauté et pour la vivacité de son esprit Madame de Castel-Sagrat résolut de ne laisser point échapper un si bon parti et de la marier à son second fils, qu’on appeloit le baron de Gironde ; elle les fit épouser que la fille n’avoit encore que onze ans après avoir obtenu des dispenses du Roi, car ils étoient cousins-germains et huguenots. On dit que madame de Gironde eut de tout temps de l’aversion pour son mari qui étoit un gros homme assez mal bâti ; mais cette aversion s’augmenta très fort, lorsqu’elle se vit cajolée des principaux et des mieux faits de la province ; car son mari l’ayant menée à Montauban, après les guerres de la religion, feu M. d’Epernon et M. de La Valette, son fils s’y rencontrèrent. Il y avoit aussi alors un autre dame, nommée madame d’Islemade, qui seule pouvoit disputer de beauté avec madame de Gironde. Le père se donna à celle- ci et le fils à l’autre, et toute la ville avec la noblesse des environs se partageant à leur exemple, ce fut comme une petite guerre civile, bien différente de celle dont on venoit de sortir. On dit pourtant que M. d’Epernon n’en eut aucune faveur que de bienséance.

La peste vint là-dessus, qui interrompit toutes les galanteries, et madame de Gironde fut contrainte de se retirer à Reniez. Par malheur pour elle. un avocat du présidial de Montauban, nommé Crimel, se retira dans le village de Reniez. Cet homme étoit méchant, mais il avoit de l’esprit. Il fut bientôt familier avec madame de Gironde, qui en temps de peste ne pouvoit pas avoir beaucoup de compagnie ; et comme elle se plaignit à lui de son mariage, on dit qu’il lui mit dans la tête qu’elle se pouvait démarier, et que l’espérance qu’il lui en donnoit la charma, de sorte que, pour le récompenser d’un si bon avis, elle lui donna tout ce que peut donner une dame.

La peste ayant cessé, elle revint à Montauban, où elle fut plus admirée et cajolée que jamais. Le marquis de Flamarens, le baron d’Aubaie, le vicomte de Montpeiroux,