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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/77

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elle tâcheroit de s’en défendre. Elle se trouva grosse, épousa Gasque, et peu après mourut en travail d’enfant.


M. DE TURIN

M. de Turin étoit un conseiller au parlement de Paris, grand justicier, mais de qui on contoit de plaisantes choses. Il appeloit son clerc cheval, son laquais mulet et sa femme p…

Un gentilhomme, dont il étoit rapporteur, alla une fois pour parler à lui ; il le rencontra en habit court, fait comme un cuistre, qui revenoit de la cave, avec son martinet à la main. Il ne l’avoit peut-être jamais vu, ou il ne le reconnut pas, et il lui dit : « Mon ami, où est M. de Turin ? — Mon ami ! dit M. de Turin, quel impertinent est-ce là ? » Le cavalier, peu accoutumé à souffrir des injures, lui donne un soufflet et se retire. Il sut après que c’étoit M. de Turin, et le voilà en belle peine. Le bonhomme rapporta le procès comme si de rien n’étoit, et dit à son clerc : « Cheval, apporte-moi le procès de ce batteur. » Il le voit, et trouvant que le cavalier avoit bon droit, il le lui fait gagner, et l’ayant rencontré sur les degrés du Palais, il lui donne un petit coup sur la joue en riant, et lui dit : « Apprenez à ne battre plus les gens : vous avez gagné votre procès. » L’autre, qui croyoit tout perdu, se pensa mettre à genoux.

Il se trouva chargé du procès d’entre feu M. de Bouillon et de M. de Bouillon La Marck, pour Sédan. Henri IV l’envoya quérir, et lui dit (Voyez quelle justice !) : « M. de Turin, je veux que M. de Bouillon gagne son procès — Hé bien, Sire, lui répondit le bonhomme, il n’y a rien plus aisé ; je vous l’enverrai, vous le jugerez vous-même. »