Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/151

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Il y avoit alors un gentilhomme breton à Rome, à qui il prit une telle haine pour les prêtres, et surtout pour les cardinaux, que quand il prenoit un cocher, c’étoit à condition de n’arrêter point devant eux ; tous le lui promettoient, cependant ils lui manquoient tous de parole ; mais lui se mettoit à pisser quand ils arrêtoient. Les cardinaux ne faisoient qu’en rire, et chacun le montroit au doigt. Non content de cela, il fit venir le curé de son village, par belles promesses, et quand il fut à Rome, il l’intimida tant qu’il l’obligea à se faire doyen de ses estafiers, avec une soutanelle qui ne lui alloit qu’au genou. On s’en plaignit à l’ambassadeur de France qui envoya quérir ce maître fou. « Monsieur, lui répondit notre homme, c’est que j’ai cru que je ne pouvois mieux humilier les prêtres qu’en faisant un prêtre estafier, et puisqu’ils le prennent là, je le ferai le dernier de tous les miens. Il m’a coûté deux cents écus à le faire venir, je n’ai garde d’avoir employé cet argent pour rien. » Enfin on fut contraint de faire évader ce prêtre.

Un jour que Bois-Robert étoit avec le cardinal, alors évêque de Luçon, on apporta des chapeaux de castor. L’évêque en choisit un : « Me sied-il bien, Bois-Robert ? — Oui, mais il vous siérait encore mieux s’il étoit de la couleur du nez de votre aumônier. » C’étoit M. Mulot, alors présent, qui depuis ne le pardonna jamais à Bois-Robert. Une fois ce pauvre M. Mulot, qui aimoit le bon vin, en attendant l’heure d’un déjeûner, alla à la messe à l’Oratoire. Par malheur c’étoit M. de Bérulle, depuis cardinal, qui la disoit, et qui, avant que de consacrer, s’amusa à faire je ne sais combien de méditations. Mulot enrageoit,