Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/124

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les personnes de la cour. Au bout de quelque temps elle disparoît tout-à-coup, et après quelques années elle revint à Paris, et voulut se faire passer pour fille d’Henri IV, qui étoit mort il y avoit déjà plus d’un an, et de la princesse de Conti. Elle se faisoit nommer Henriette Chrétienne, disoit que la princesse de Conti n’avoit jamais voulu permettre que le Roi la reconnût, qu’à cause de cela il l’avoit fait nourrir secrètement ; qu’il se l’étoit fait apporter en cachette plusieurs fois, et qu’il l’avoit plus aimée que tous ses autres enfants.

Toute la cour se moqua d’elle, car on savoit toutes les amourettes d’Henri IV, et personne n’ignoroit qu’encore qu’il eût trouvé la princesse de Conti fort belle la première fois qu’il la vit, il ne voulut point penser à l’épouser, parce qu’il savoit trop de ses nouvelles : peut-être aussi ne l’auroit-il pas voulu faire par politique. Il est vrai, d’un autre côté, que ce qu’il vouloit faire pour madame de Beaufort étoit encore pis que tout cela. Il étoit encore constant qu’étant marié il n’avoit jamais eu inclination pour cette princesse.

Cependant assez de badauds à Paris croyoient ce que cette friponne disoit. Il y avoit ici en ce temps-là un Flamand nommé M. Migon, homme fort ingénieux, mais du reste assez simple. Ce bon Flamand connut Lisette ; et comme cette créature avoit le caquet bien emmanché, car jamais on n’a mieux débité le galimatias, il en fut charmé et pleinement persuadé de toutes les fables qu’elle débitoit. Or, il arriva qu’un certain Allemand, qui se faisoit appeler le baron de Crullembourg, fit accroire à M. des Hagens, favori de M. de