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menaçoient à tout bout de champ leurs parties. Le jour qu’on plaidoit leur cause, les laquais s’avisèrent de faire un président, des conseillers, des avocats, etc., etc. Ils plaidèrent la cause et allèrent aux opinions. Il n’y en eut qu’un qui ne fut pas pour la veuve ; ils le battirent comme plâtre. À l’audience, comme le président prononçoit, il s’éleva un grand murmure, comme pour dire : « Président, faites-lui gagner sa cause. » Elle la gagna sur l’heure. Son fils de quinze mois, ou environ, fut couronné de lauriers. On cria haro sur les parties, on les appela Juifs ; ils eurent de la peine à se sauver. On cria : Vive le Roi et madame de Sainte-Sesonne ! et au logis de son avocat, où elle dîna, le peuple vint lui donner l’aubade avec des violons, des tambours et des trompettes. Ce fut la vanité de Delorme qui fit tout cela. Dans les Mémoires de la régence il sera bien parlé de lui[1].

M. de Senecterre a une fort grande maison, et quasi personne dedans. Un jour il entendit que son fils le maréchal disoit à quelqu’un : « Je ferai ceci ; j’ajusterai cela. » Il se mit à battre du pied vigoureusement contre terre et à faire claquer ses dents les unes contre les autres en lui disant : « Tout homme qui fait cela n’est pas si près à laisser la place aux autres. »

Il est toujours propre, quoique vieux. Un gentilhomme le cajoloit un jour sur sa propreté, et lui disoit que madame de Gueménée disoit que si elle vouloit avoir un galant que ce seroit M. de Senecterre. Le bonhomme répondit : « Madame de Gueménée fait mieux qu’elle ne dit, monsieur ; elle fait mieux

  1. On a déjà exprimé le regret de la perte de ces Mémoires. (Voyez la note de la page 2.)