Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnas de la sibade[1] à la caballe. » Il l’appela toujours mignonne, quoiqu’elle ne le fût pas autrement. Cinquante ans après, il convia ses amis pour renouveler ses noces, et donna ce jour-là le plus de sibade qu’il put à la caballe.

Lorsqu’il commandoit en Allemagne, il y a peut-être vingt-cinq ans, il galopa jusqu’à Metz pour y voir sa femme, et la prenant par de grandes peaux qu’elle avoit sous le cou, il la baisoit du meilleur courage du monde en disant : « Certes, mignonne, je ne vous trouvai jamais si belle. »

On raconte de cette femme qu’elle aimoit extrêmement les montres et se tourmentoit sans cesse pour les ajuster au soleil. Un jour elle envoya un page voir quelle heure il étoit à un cadran qui étoit dans le jardin ; mais l’heure qu’il rapporta ne s’accordant pas à sa montre, elle lui soutenoit toujours qu’il n’avoit pas bien regardé, et l’y renvoya par deux ou trois fois ; enfin le page, las de tant de voyages, lui dit : « Madame, quelle heure vous plaît-il qu’il soit ? » Elle fut si sotte que de le faire fouetter.

M. de La Force, comme vous pouvez penser, suivit Henri IV, et à la régence de la Reine-mère, il se trouva vice-roi de Navarre et gouverneur du Béarn. Il étoit le maître de tout, disposoit des charges et tenoit Navarreins. Le comte de Gramont en eut envie, et ne pouvant être ni vice-roi ni gouverneur, il voulut être sénéchal, chose au-dessous de lui. Il y eut bien du bruit ; mais quoique lui et le marquis, qui prenoit la querelle pour son père, et le comte, fussent assez

  1. Sibade, avoine.