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Elle m’a conté que Malherbe ne l’ayant pas trouvée, s’étoit amusé un jour à causer chez elle avec une fille, et qu’on tira par hasard un coup de mousquet dont la balle passa entre lui et cette demoiselle. Le lendemain il vint voir madame de Rambouillet, et comme elle lui faisoit quelque civilité sur cet accident : « Je voudrois, lui dit-il, avoir été tué de ce coup. Je suis vieux, j’ai assez vécu, et puis on m’eût peut-être fait l’honneur de croire que M. de Rambouillet l’auroit fait faire[1]. »

M. Racan soutient pourtant que c’est pour elle qu’il fit cette chanson :

Chère beauté, que mon âme ravie, etc.[2]


et cette autre ou Boisset mit un air :

Ils s’en vont ces rois de ma vie,
 Ces yeux, ces beaux yeux[3], etc.

  1. Cette curieuse anecdote et les détails qui la précèdent n’ont point été donnés par Racan.
  2. Cette chanson paroît avoir été adressée à la marquise de Rambouillet sous le nom de Rodanthe. On est d’autant plus porté à le croire que l’on y retrouve les mêmes images sur la froideur de sa maîtresse, que dans les fragments cités plus haut.

    Voici la seconde stance

      En tous climats, voire au fond de la Thrace,
       Après les neiges et les glaçons,
        Le beau temps reprend sa place,
      Et les été mûrissent les moissons ;
        Chaque saison y fait son cours ;
      En vous seule on trouve qu’il gèle toujours.

  3. Poésies de Malherbe, pag. 101. Ces vers sont indiqués dans toutes les éditions de Malherbe comme étant adressés à la vicomtesse