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donna un grand coup de poing, en lui disant : « Lourdaud, prenez garde à ce que vous faites. »

Le jour que Henri IV entra dans Paris, il fut voir sa tante de Montpensier, et lui demanda des confitures. « Je crois, lui dit-elle, que vous faites cela pour vous moquer de moi. Vous pensez que nous n’en avons plus. — Non, répondit-il, c’est que j’ai faim. » Elle fit apporter un pot d’abricots, et en prenant, elle en vouloit faire l’essai ; il l’arrêta, et lui dit : « Ma tante, vous n’y pensez pas. — Comment, reprit-elle, n’en ai-je pas fait assez pour vous être suspecte ? — Vous ne me l’êtes point, ma tante. — Ah ! répliqua-t-elle, il faut être votre servante. » Et effectivement elle le servit depuis avec beaucoup d’affection.

Quelque brave qu’il fût, on dit que quand on lui venoit dire : « Voilà les ennemis, » il lui prenoit toujours une espèce de dévoiement, et que, tournant cela en raillerie, il disoit : « Je m’en vais faire bon pour eux. »

Il étoit larron naturellement, il ne pouvoit s’empêcher de prendre ce qu’il trouvoit ; mais il le renvoyoit. Il disoit que s’il n’eût été roi, il eût été pendu.

Pour sa personne, il n’avoit pas une mine fort avantageuse. Madame de Simier, qui étoit accoutumée à voir Henri III, dit, quand elle vit Henri IV : « J’ai vu le Roi, mais je n’ai pas vu sa Majesté. »

Il y a à Fontainebleau une grande marque de la bonté de ce prince. On voit dans un des jardins une maison qui avance dedans, et y fait un coude[1]. C’est

  1. Cette maison pourroit bien être l’ancien hôpital de la Charité d’Avon, fondé en 1662 par Anne d’Autriche. Cet hospice est aujour-