Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/243

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ralement tous ceux qui lui donnoient avis de quelque chose.

Avec cela il étoit heureux. En voici une marque. Il alla à Tours, où le Roi étoit. À peine y fut-il que des gens de Lyon le viennent trouver, lui disent qu’ils pensoient à une telle affaire, qu’ils n’ignoroient pas que, s’il vouloit y penser, il l’empêcheroit, mais qu’il leur feroit un grand préjudice, et, pour le dédommager, ils lui offroient dix mille écus. La vérité est qu’il n’y pensoit pas, mais il feignit d’être venu pour cela à la cour, et ne les en quitta pas à moins de trente mille écus.

On l’appela Rocher Portail, du nom de la petite terre qu’il acheta et où il fit bâtir. Il acquit encore la baronie de Tressan et la terre de Montaurin. Il laissa deux garçons, et plusieurs filles toutes bien mariées. La dernière eut cinq cent mille livres en mariage, et épousa M. de Brissac, dont nous parlerons ailleurs[1]. Il mourut un peu avant le siége de La Rochelle. C’étoit un homme de bonne chère et aimé de tout le monde. Le Pailleur[2], à qui Rocher Portail a conté tout ce que je viens d’écrire, dit que cet homme, malgré toute son opulence, avoit encore quelques bassesses qui lui étoient restées de sa première fortune ; car, dans une lettre qu’il écrivoit à sa femme, qu’elle donna à lire au Pailleur (Rocher Portail n’avoit appris à lire et à écrire que fort tard, et

  1. François de Cossé, duc de Brissac, mort le 3 décembre 1651, avoit épousé Guyonne Ruelan, fille de Gilles, sieur du Rocher Portail, et de Françoise de Miolaix. De ce mariage sont sortis les ducs de Brissac et les comtes de Cossé.
  2. Voyez dans l’article de la maréchale de Thémines, des détails curieux sur Le Pailleur.