Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Gentilhomme Gascon. À tout bout de champ, pour divertir son maître, le maréchal faisoit semblant de vouloir se lever, pour aller battre Gros-Guillaume, et Gros-Guillaume disoit : « Cousis, ne bous fâchez. » Il arriva qu’après la mort du Roi, les comédiens n’osant jouer à Paris, tant tout le monde y étoit dans la consternation, s’en allèrent dans les provinces, et enfin à Bordeaux. Le maréchal y étoit lieutenant de roi ; il fallut demander permission. « Je vous la donne, leur dit-il, à condition que vous jouerez la farce du Gentilhomme Gascon. » Ils crurent qu’on les roueroit de coups de bâton au sortir de là ; ils voulurent faire leurs excuses. « Jouez, jouez seulement, » leur dit-il. Le maréchal y alla ; mais le souvenir d’un si bon maître lui causa une telle douleur qu’il fut contraint de sortir tout en larmes dès le commencement de la farce.

Ce fut lui qui dit à un capitaine qui avoit gagné un gouvernement en changeant de religion, qu’il falloit bien que celle qu’il avoit quittée fût la meilleure, puisqu’il avoit pris du retour.

Il fut marié deux fois. En allant pour accommoder deux gentilshommes qui prétendoient une même fille, il les mit d’accord, en la prenant pour lui. Elle étoit belle, mais elle n’avoit point de bien. Il ne voulut jamais qu’elle vît la cour, et quand le Roi lui disoit pourquoi il ne l’amenoit pas, il ne répondoit autre chose, sinon : « Sire, elle n’a pas de sabattous » (de souliers).