Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/310

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ment. La compagnie étant retirée, si le feu du fagot les avoit un peu trop séchées, on les remettoit dans l’eau.

Je l’ai vu venir, un jour d’été, par le plus beau temps du monde, chez M. Conrart, son parent, avec son chapeau de pluie : « Eh quoi ! mon cousin, lui dit M. Conrart, avez-vous eu peur de la pluie aujourd’hui ? — Je vous assure, dit le bon homme, que j’ai regardé à l’almanach, et il nous menaçoit d’orage. » Pour moi jamais en ma vie je n’ai vu un tel chapeau de cocu qu’étoit le sien. Le plus beau qu’il eût étoit à peu près comme ceux de ces crieuses de vieux chapeaux. Cet homme, mal satisfait du siècle, comme toutes les vieilles gens, se mît à déclamer contre la vénalité des charges, lui qui a un fils qui, avec son argent, avoit eu bien de la peine à entrer au Parlement, tant il avoit mal répondu.

Notre bourgeois, devenu veuf, prit la peine de se jouer à sa servante. Elle devint grosse, et accoucha d’un enfant qui vécut, au grand regret du bon homme ; car, quand il fut question de fournir pour la nourriture, il dit que son valet y avoit travaillé aussi bien que lui ; le valet fut assez sincère pour l’avouer, et le maître lui retranchoit tant de ses gages pour donner à la mère de l’enfant. On a même dit qu’ils le faisoient élever par moitié.

Le fils devint amoureux de la veuve d’un lieutenant de l’artillerie, nommé La Barre : cette femme n’avoit que quarante ou cinquante mille livres de bien, mais elle étoit belle et jeune et n’avoit point eu d’enfants. En récompense elle est si capricieuse, qu’elle pourroit quasi passer pour folle. Son premier mari en avoit été