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tiques : c’étoient le roi de Navarre et la Reine Élisabeth.

Comme M. de Pisani revenoit de Rome avec l’évêque du Mans (de Rambouillet)[1], leur galère fut surprise par un corsaire nommé Barberoussette. Ce corsaire les retint huit jours, et prétendoit bien en tirer grosse rançon. Le marquis, voyant un jour que le corsaire avoit quitté la galère, après avoir donné ses prisonniers en garde à ses gens, délibéra de sortir sans rien payer. M. du Mans, craignant la furie du corsaire, n’y vouloit nullement entendre ; enfin M. de Pisani lui dit : « Allez prier Dieu, et me laissez faire le reste. » En effet, il prit si bien son temps, qu’assisté des François qui avoient été pris avec eux, il tua le capitaine et se rendit maître de la galère. Apparemment cet exploit ne s’est point fait sans de notables circonstances ; mais quelques diligences que j’aie faites, je n’en ai pu apprendre autre chose, sinon que le neveu du corsaire, charmé de la bravoure et de la conduite du marquis, se jeta à ses pieds et lui demanda en grâce de le recevoir au nombre de ses domestiques. Le marquis l’embrassa, et cet homme mourut effectivement à son service. Il ne faut pas s’étonner de cela, tout le monde l’aimoit ; les hôteliers d’Italie, quelque intéressés qu’ils soient, au second voyage qu’il y fit, ne vouloient pas qu’il payât. Il laissa à Rome sa femme et une fille, qui fut le seul enfant né de ce mariage[2], parce qu’il n’y

  1. Charles d’Angennes de Rambouillet, né en 1580, ambassadeur de France à Rome, cardinal en 1570, mort à Corneto, dont il étoit gouverneur pour le pape, en 1587.
  2. Cette fille a été la marquise de Rambouillet, l’une des femmes les plus distinguées de son siècle. Tallemant, admis dans l’intimité de