Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisable. Le cardinal a avis de cela et que cet homme avoit un secret pour rompre le fer avec une certaine liqueur. Cela lui fait peur, il résout de se défaire de cet homme. Ce de Meuves avoit entrée à l’Arsenal, et le grand-maître prétendoit tirer de grands avantages de ce secret en surprenant des villes où il y a des grilles de fer pour donner passage à quelque ruisseau. Un soir, cet homme avoit promis à quelqu’un d’aller coucher à Saint-Cloud ; il étoit tard ; il s’avise d’aller rompre la chaîne de quelque bateau avec sa drogue, prend son laquais avec un flambeau allumé pour passer sous les ponts. Cette même nuit-là le feu se prit au Pont-au-Change. Voilà un beau prétexte. On accuse de Meuves d’y avoir mis le feu et par malice. Le cardinal nomme pour chef de ses commissaires (tous conseillers au Châtelet qui jugent prévôtalement les incendiaires), M. de Cordes, un homme qui a mérité qu’on écrivît sa vie[1], afin que ce juge incorruptible ne l’emportant pas sur les autres, on pût dire cependant : « Il a été condamné par M. de Cordes. » Le cardinal songea à avoir le secret. Il envoie quérir le clerc de M. de Cordes, nommé de Nieslé, de qui nous tenons cette histoire. De Nieslé lui apporta de la drogue, car on en avoit trouvé chez de Meuves, quand on le prit. Le cardinal en voulut voir l’expérience. On en frotta les fiches d’une armoire. Au bout d’un demi-

  1. Elle a été publiée sous ce titre : L’Idée d’un bon magistrat en la vie et en la mort de M. de Cordes, conseiller au Châtelet de Paris, par A. G. E. D. V. (Antoine Godeau, évêque de Vence ; Paris, 1645, in-12.) Il s’appeloit Denis de Cordes ; il mourut en novembre 1642, et fut enterré à Saint-Méry.