Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/426

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le Roi, qui ne pouvoit pas vivre long-temps, venant à mourir, ce prince ne pût avoir part au gouvernement. Il y en a qui ont cru que le cardinal avoit fait dessein de gouverner la Reine par le cardinal Mazarin ; qu’il l’avoit fait exprès cardinal. Il est vrai que M. de Chavigny y servit fort pour empêcher M. de Noyers de l’être. On a même cru qu’il y avoit déjà de l’intelligence entre la Reine et le cardinal de Richelieu, et qu’elle avoit commencé dès le temps qu’il eut d’elle le Traité d’Espagne. J’ai ouï dire à Lyonne que la première fois que le cardinal de Richelieu présenta le Mazarin à la Reine (c’étoit après le Traité de Cazal), il lui dit : « Madame, vous l’aimerez bien, il a de l’air de Buckingham. » Je ne sais si cela y a servi, mais on croit que la Reine avoit de l’inclination pour lui de longue main, et que le cardinal de Richelieu s’en étoit aperçu, ou que cette ressemblance lui donnoit lieu de l’espérer.

Quand on joua l’Europe, il n’y étoit pas ; il l’avoit bien vu répéter plusieurs fois avec les habits qu’il fit faire à ses dépens ; son bras ne lui permit pas d’y aller. Au retour, il dit à sa nièce, lui montrant le cardinal Mazarin : « Ma nièce, j’instruisois un ministre d’État, tandis que vous étiez à la comédie. » Et on dit qu’il le nomma au feu Roi, et qu’une autre fois il dit : « Je ne sache qu’un homme qui me puisse succéder, encore est-il étranger. » D’autres pensent que c’est trop subtiliser que de dire ce que j’ai dit du dessein de gouverner la Reine par le cardinal Mazarin, et croient que son intention n’a été autre que de mettre dans les affaires un homme qui, étant étranger et sa créature, par gratitude et par le besoin qu’il avoit d’appui, s’attacheroit