Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/77

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cour de l’Arsenal, mais de si mauvaise grâce que tout le monde se moquoit de lui.

À propos de ballet, M. le Prince en dansa un, et le Roi commanda à M. de Sully de donner une ordonnance pour cela. M. de Sully enrageoit, et, comme pour se moquer, il mit en bas : « Et autant pour le brodeur. » Pour le faire enrager encore plus, M. le Prince se fit payer le double en disant qu’il y en avoit la moitié pour le brodeur. Il alla avec toute sa maison chez M. d’Arbault, trésorier de l’Épargne, et n’en sortit qu’il n’eût reçu l’argent. Le Roi ne fit qu’en rire, et dit que M. de Sully méritoit bien cela.

Sully gardoit lui-même la porte de la salle à double rang de galeries qu’il avoit fait faire à l’Arsenal pour les ballets.

C’étoit à Duret, son m........, qu’on présentoit les gants[1]. Il parle dans ses Mémoires d’un nommé Robin qu’il rebuta[2] ; c’est qu’il s’étoit adressé à lui-même, et non pas à Duret.

La chambre de justice ne fut établie que pour perdre M. de Sully et découvrir ses malversations ; et cela étoit mené par des gens qu’il avoit mis dans les finances. Il s’opposa tant qu’il put à la recherche, et ce fut

    auroit répondu avec cette sévérité théâtrale que la tradition lui prête : « Rosny est marié, il a des enfants, ce n’est plus à lui à danser. — Je vois bien ce que c’est, auroit repris le prince, vous voulez faire de mon ballet une affaire d’État. — Nullement, monsieur, lui répondit Sully, tout au contraire : je tiens vos affaires d’État pour des ballets. » Cela est bien digne, mais Tallemant est plus naturel, et il étoit rapproché des sources.

  1. Présenter, donner les gants, locutions tirées de l’ancien usage de donner une paire de gants à celui qui apportoit le premier une bonne nouvelle, et par extension faire un cadeau en échange d’un service, d’une faveur. Cet usage venoit d’Espagne, où il s’appeloit la paraguante.
  2. Livre 9.