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tité, car sa mère lui en avoit donné de belles pour une terre qu’elle lui avoit baillée en échange. Par son testament elle donna encore à M. d’Elbœuf une belle terre auprès de Paris.

Ce M. d’Elbœuf étoit un grand abatteur de bois. Il attrapa plaisamment (il y a trois ou quatre ans) une demoiselle de sa femme, madame d’Elbœuf, qui est devenue ridicule, de belle qu’elle avoit été autrefois (elle est sœur de M. de Vendôme)[1]. Elle étoit fort malade. Elle avoit une demoiselle très-jolie ; le mari en étoit épris. Un jour il vint tout triste, et dit devant cette fille : « Ma femme est morte, les médecins en désespèrent, ils me l’ont avoué, et de plus un astrologue, qui a fait son horoscope, et que je viens de visiter exprès pour cela, assure qu’elle n’en sauroit échapper. » Cette fille depuis ce moment se mit dans l’esprit qu’elle pourroit bien devenir princesse, et se laissa faire un petit enfant. Madame d’Elbœuf a enterré son mari ; il est mort cette année, âgé de soixante-un ans[2], et il disoit : « Faut-il que je meure si jeune ! »

Pour revenir au connétable, voici ce que Bérançon a rapporté de sa mort. Il travailloit avec lui, le propre jour qu’il mourut, à des départs de gens de guerre. « Il faudroit, lui dit Bérançon, que M. de Créqui fût ici. — Voire, répondit le connétable, nous aurions beau l’attendre, s’il a trouvé un chambrillon en son

  1. Catherine Henriette, légitimée de France, fille de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, fut mariée au duc d’Elbœuf en 1619, et mourut en 1663.
  2. Charles de Lorraine, deuxième du nom, duc d’Elbœuf, mourut le 5 novembre 1657. Cette date et quelques autres, particulièrement celle que Tallemant a mise à la marge de son introduction, font connoître principalement l’époque à laquelle il écrivoit ses Mémoires.