Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/92

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On dit qu’un jour M. de Turenne, depuis M. de Bouillon, étant ivre, lui dégobilla sur la gorge en la voulant jeter sur un lit.

Elle devint horriblement grosse, et avec cela elle faisoit faire ses carrures et ses corps de jupes beaucoup plus longs qu’il ne le falloit, et ses manches à proportion. Elle étoit coiffée de cheveux blonds, d’un blond de filasse blanchie sur l’herbe. Elle avoit été chauve de bonne heure ; pour cela elle avoit de grands valets de pied blonds que l’on tondoit de temps en temps.

Elle avoit toujours de ces cheveux-là dans sa poche, de peur d’en manquer ; et, pour se rendre de plus belle taille, elle faisoit mettre du fer-blanc aux deux côtés de son corps pour élargir la carrure. Il y avoit bien des portes où elle ne pouvoit passer.

Elle aima sur la fin de ses jours un musicien nommé Villars. Il falloit que cet homme eût toujours des chausses troussées et des bas d’attache, quoique personne n’en portât plus. On l’appeloit vulgairement le roi Margot[1]. Elle a eu quelques bâtards, dont l’un, dit-on, a vécu, et a été capucin[2]. Ce roi Margot n’empêchoit point que la bonne Reine fût bien dévote

  1. Margot étoit le nom abrégé et familier que Charles IX donnoit à sa sœur Marguerite. « En donnant ma sœur Margot au prince de Béarn, je la donne à tous les huguenots du royaume. » En effet, les faveurs de la princesse passoient déjà pour être partagées par un assez grand nombre d’élus.
  2. Bassompierre en a parlé. « Le soir (du 5 août 1628), ce capucin, fils de la feue reine Marguerite et de Chauvalon, nommé Père Archange, me vint trouver et me dit force impertinences. » (Mémoires de Bassompierre, deuxième série des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, t. 21, pag. 162.)