Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/139

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crotta une autre fois tout exprès, et fit semblant d’avoir été à la chasse avec lui : « Ah ! vous avez bien fait, lui dit-il, nous avons eu aujourd’hui bien du plaisir. »

Racan dit qu’ayant promis une pistole à une maquerelle pour une demoiselle qu’elle lui devoit faire voir, au lieu de cela elle lui fit voir une guenippe, et qui n’avoit rien de demoiselle. Racan ne lui donna qu’une pièce de quatorze sous et demi, le quart d’une pièce de cinquante-huit sous ; elles n’étoient pas communes alors. « Qu’est-ce là ? dit-elle. — C’est, lui dit-il, une pistole déguisée en pièce de quatorze sous, comme vous m’avez donné une demoiselle déguisée en femme-de-chambre. »

Quand il faisoit l’amour à celle qu’il a épousée, et qu’il n’eut qu’à cause que madame de Bellegarde, hors d’âge d’avoir des enfants, lui assura du bien, il voulut l’aller voir à la campagne, avec un habit de taffetas céladon[1]. Son valet Nicolas, qui étoit plus grand maître que lui, lui dit : « Et s’il pleut, où sera l’habit céladon ? Prenez votre habit de bure, et au pied d’un arbre vous changerez d’habit proche du château. — Bien, dit-il, Nicolas ; je ferai ce que tu voudras, mon enfant. » Comme il relevoit ses chausses, c’étoit en un petit bois proche de la maison de sa maîtresse, elle et deux autres filles parurent. « Ah ! dit-il, Nicolas, je te l’avois bien dit. — Mordieu, répond le valet, dépêchez-vous seulement. » Cette maîtresse vouloit s’en aller ; mais les autres, par malice, la firent

  1. Couleur de vert-clair très-tendre ; elle avoit emprunté son nom au héros du roman de l’Astrée, qui étoit loin d’avoir perdu alors tous ses adorateurs.