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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/141

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donna un grand coup de pistolet dans l’épaule à celui qui étoit devant lui.

Le bonhomme Racan fut vingt ans sans faire de vers après la mort de Malherbe. Enfin il s’y remit à la campagne, où il fit des versions de psaumes, naïves, disoit-il, mais, en effet, les plus plates du monde. Depuis, il fit ses Paraphrases de psaumes qu’il a imprimées, où il y a de belles choses, mais cela ne vaut pas ce qu’il a fait autrefois.

Racan étant tuteur du petit comte de Marans, de la maison de Bueil, le mari de la mère l’appela en duel. Racan dit : « Je suis fort vieux, et j’ai la courte haleine. — Il se battra à cheval, lui dit-on. — J’ai des ulcères aux jambes, répondit-il, quand je mets des bottes ; puis, j’ai vingt mille livres de rente à perdre. Je ferai porter une épée ; s’il m’attaque, je me défendrai. Nous avons un procès, nous n’avons pas une querelle. » Les maréchaux de France gourmandèrent fort ce galant homme.

Le grand chagrin de ce pauvre homme, c’étoit que son fils aîné n’est qu’un sot, et qu’il a perdu celui dont il espéroit avoir du contentement. Ce petit garçon étoit page de la Reine, et étoit fort bien avec M. d’Anjou[1]. Il disoit un jour à son père : « Je voudrois bien qu’on payât à Monsieur six cents écus de ses menus plaisirs qu’on lui doit, j’en aurois une bonne part. » Cet enfant s’étoit adonné à porter la robe de Mademoiselle. Au commencement ses pages en grondèrent ; elle leur dit que toutes les fois qu’un page de

  1. Premier titre du duc d’Orléans, frère de Louis XIV. Il le porta jusqu’à la mort de Gaston, époque à laquelle le Roi lui conféra le titre de duc d’Orléans.