Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/162

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Bois-Robert, dit sur l’heure au cardinal : « Monseigneur, elle est entrée par la porte où j’étois ; mais c’est M. de Bois-Robert qui l’a fait entrer. » Bois-Robert, qui ne savoit rien de cela, trouva M. le chancelier qui dit : « M. le cardinal est fort en colère contre vous, ne vous présentez pas devant lui. » Au même temps le cardinal le fait appeler. Il n’y avoit que madame d’Aiguillon qui ne l’aimoit pas, et M. de Chavigny qui l’aimoit assez. Le cardinal lui dit d’un air renfrogné : « Bois-Robert (point le Bois), de quoi vous êtes-vous avisé de faire entrer une petite garce à la répétition l’autre jour ? — Monseigneur, je ne la connois que pour comédienne, je ne l’ai jamais vue que sur le théâtre, où Votre Éminence l’avoit fait monter. » (Cependant il avoue que le matin elle l’avoit été prier de la faire entrer.) « Je ne sais pas d’ailleurs ce qu’elle est : fait-on information de vie et de mœurs pour être comédienne ? je les tiens toutes garces, et ne crois pas qu’il y en ait jamais eu d’autres. — S’il n’y a que cela, dit le cardinal à sa nièce, je ne vois pas qu’il y ait de crime. » Bois-Robert pleura, fit toutes les protestations imaginables ; mais le cardinal, à qui ce que le Roi avoit dit tenoit furieusement au cœur, lui dit : « Vous avez scandalisé le Roi, retirez-vous. » Voilà Bois-Robert au lit ; toute la cour et tous les parents du cardinal le visitèrent. Le maréchal de Gramont y alla plusieurs fois, et à la dernière il lui dit : « Si vous pouviez vous taire, je vous dirois un secret ; mais n’en parlez point : dimanche vous serez rétabli. M. le cardinal doit voir le Roi samedi, il vous justifiera. » Le dimanche venu, voilà l’abbé de Beaumont qui le vient trouver. Bois-Robert dit, dès qu’il le vit :